De la Question Cruciale de Liberté d'Expression et de la Presse
Il y’a toujours une question fondamentale que l’on doit se poser: J’exerce ma liberté à quelle fin, au service de qui ou quoi?
Dans les années 70s, bien avant que Bob Woodward et Carl Bernstein ne livrent leur ultime article d’enquête sur le scandale du Watergate, la messe était déjà dite pour le président Richard Nixon.
On était encore dans une Amérique—certes avec ses problèmes particuliers—où les “tours des vérités élémentaires”, aujourd’hui menacées de ruines partout, se tenaient encore debout.
Les déboires de Nixon ne tenaient pas au fait qu’il était républicain. Non, mettre sur écoute ses adversaires politiques, par abus du pouvoir public dont on est investi, était juste répréhensible.
Et Carl et Bob l’ont démontré de façon rigoureuse, cartographiant par les preuves, toute la chaîne des responsabilités, de telle sorte qu’au bout du compte, il ne restait à Nixon que de démissionner.
La liberté de la presse existe pour rendre possible ce genre de travail. Elle ne doit être détournée pour nourrir de petites ambitions, dont le tribalisme politique ou le sophisme des tribuns.
On doit s’indigner sans mesure quand quelque pouvoir viole la liberté de la presse—celle destinée à faciliter une activité journalistique qui ne prend pas pour finalité elle-même; qui ne se justifie que par une imposture visible ou masquée.
Mais il y a souvent cette confusion entre journaliste, celui qui pratique un métier évoquant le quasi sacerdoce, et toute personne qui a une tribune dans un espace médiatique, et dont le souci est de juste répandre des idées.
Exemple: L’activiste peut avoir une noble cause; mais l’activiste n’est pas un journaliste. C’est donc archi-incestueux qu’un journaliste puisse se présenter comme étant à la fois journaliste et défenseurs des droits humains.
Qu’est-ce que ceci donnerait si l’arbitre qui siffle le match vous indiquait qu’il est de l’un des camps. Non, la confusion des genres est un abus qu’il faut corriger, afin de pouvoir apprécier à sa juste valeur ce qui relève strictement de la liberté de la presse.
Par ailleurs, en ce qui concerne la liberté d’expression—consacrée comme droit pour tout citoyen dans presque toutes les républiques modernes—chacun doit en jouir pleinement dans les limites prescrites par la loi.
En effet, peut-on être libre d’inciter à la haine, au genocide? Peut-on être libre de créer le désordre et l’insécurité par les propos que l’on tient, par les idées que l’on repend?
À moins de voguer dans les vagues fumeuses du dogmatisme des principes, voilà des questions que le journaliste honnête, même inconditionnel de la liberté de la presse et d’expression, devrait se poser.
Dès lors, ce dont il faut se préoccuper dans le cadre de l’interpellation d’un justiciable qui entend se défendre d’avoir exercé sa liberté, c’est le respect de la procédure et l’assurance que l’intéressé puisse se défendre convenablement.
L’anarchie—qu’elle soit consacrée par l’Etat ou par l’individu—est inacceptable dans une société organisée; une société qui considère la stabilité comme essentielle.
C’est donc juvénile, voire très puéril, de croire qu’on est libre quand on est autorisé à dire et faire ce que l’on veut, même quand il s’agit du n’importe quoi.
Il y’a toujours une question fondamentale que l’on doit se poser: J’exerce ma liberté à quelle fin, au service de qui ou quoi?
Au dernier ressort, la vraie liberté permet à l’individu de s’épanouir sans étouffer les autres. Il n’y a de liberté dont la jouissance mènerait au péril des autres.