L'Afrique et le Paradoxe du 'Patriote de la Belle Saison'
L'on ne peut dénoncer à la fois la passivité de l'esprit victimaire et la révolte de ceux qui préfèrent prendre leurs destins en main.
Sunshine patriot. L'expression n'a peut-être pas d'équivalence parfaite en français, mais elle pourrait se traduire par "patriote de la belle saison".
C'est une invention du formidable Thomas Paine, insolent intellectuel anglais ayant migré à son époque dans les colonies britanniques du Nouveau Monde et qui avait farouchement pris parti en faveur de l'indépendance desdites colonies qui finit par intervenir en 1776.
Avant le premier coup de feu à Lexington, qui a ouvert les hostilités dans la Guerre d'Indépendance des futurs États-Unis, Paine avait pu observer la ferveur pour la liberté chez ses camarades qui n'étaient encore ni Américains, ni non plus encore totalement britanniques.
Tout le monde était unanime pour dire qu'il était absurde de continuer à verser des taxes à la trésorerie du Roi George sans être représenté au Parlement de Westminster à Londres.
Mais quand il s’était agit de confondre les troupes du Roi par le moyen de l'épée, beaucoup de ces aspirants à la liberté totale avaient vite tempéré leurs ardeurs et tenaient un discours désormais flou qui trahissait leur horreur du risque.
"Sunshine patriots". Ainsi les qualifierait Thomas Paine, cet intellectuel insolent donc, auteur du Sens Commun et de L'Âge de la Raison. Il me semble que nous avons nos sunshine patriots en Afrique francophone.
Ces derniers sont prêts pour un changement radical de paradigme dont ils font une profession ostentatoire, mais—paradoxe—ils ne veulent pas que ce paradigme intègre un abandon total de la tutelle post-coloniale.
Oui, cette tutelle qui est le gros facteur d'infantilisation de l'Africain francophone, en ceci qu'elle lui sert d'opium, l'empêchant de grandir et d'assumer totalement son destin avec tous les risques que cela implique.
Les “sunshine patriots” de chez nous sont des adeptes d’un simplisme qui a horreur de la nuance.
Ils refusent d'admettre une réalité dont le rejet machiavélique n'est que violence:
Le problème africain est de double nature—le néocolonialisme (la tutelle française) et l'incurie de l'élite dirigeante qui œuvre au maintien de cette tutelle.
Ils refusent d'admettre que la nouvelle génération révoltée et impatiente n'est ni le néo-colon rapace de matières premières, ni l'élite dirigeante corrompue qui est aux affaires depuis les 60 dernières années. Dans leur sophisme toxique, ils répudient donc toute nuance, toute complexité.
Ils se précipitent pour innocenter la France de ses turpitudes avérées—souvenez-vous de l'OTAN en Libye, si ce n’est que cela—pour charger seule l'Afrique de la responsabilité d'un sabotage impitoyable qui dure maintenant depuis plus de six décennies.
Soyons décent et évitons de part et d'autre les faux diagnostics ou diagnostics partiels.
L'Afrique dont rêvent les générations du futur naîtra de la fin des tutelles qui désemparent et de la fin de ces parodies ignominieuses de la démocratie que l'on a souvent réduite à de banals exercices rituels sans aucun bénéfice substantiel pour les masses.
Que ce soit clair: Je ne pense pas qu'il y ait une alternative à l'état de droit. Mais peut-on faire prospérer l'état de droit dans des pays où l'on rend compte à un maître étranger plutôt qu'au peuple?