Macky Sall s'évite un scénario kamikaze
Il n'y a aucun mérite pour le président sénégalais qui a mis fin au long suspens en annonçant enfin qu'il respectera la constitution.
Il ne faut pas se tromper: le mérite au Sénégal est celui des jeunes dont certains ont déposé à jamais leurs vies sur les trottoirs de Dakar pour rejeter la perspective d’un troisième mandat du président Macky Sall.
Applaudir Macky Sall, qui a été forcé à respecter la constitution qu’il voulait violer, c’est gaspiller l’occasion d’intégrer un enseignement capital—le temps des timoniers qui se confondent à l’Etat et qui rêvent de Presidence à vie est de plus en plus révolu sur le continent.
Sall ne saurait transformer sa déroute en triomphe en prétendant qu’il n’était jamais revenu sur sa promesse de 2019 de s’en tenir aux termes de la constitution.
Après avoir mûrement réfléchi, dit-il, il ne veut pas de troisième mandat.
Pourquoi avait-il besoin de réfléchir pour se conformer au texte fondamental qui est assez clair sur le caractère impossible des trois mandats consécutifs? Qu’est-ce qui a fait longuement réfléchir au président?
Nous le savons: c’est la détermination de la jeunesse sénégalaise à lui faire barrage.
Sans le rugissement de la rue sénégalaise, Sall était parti pour l’exécution d’un scénario à la Alassane Ouattara.
Maintenant qu’il s’incline devant la révolte de la jeunesse sénégalaise, il tente de reprendre du poil de la bête, en essayant de nous faire comprendre qu’on lui prêtait faussement des intentions.
Non. Encore une fois, M. Sall—si vous n’aviez jamais eu l’intention de briguer un troisième mandat—à quoi a servi cette réflexion que vous avez longuement mûrie?
Personne ne vous prêtait faussement quelques intentions; vous nourrissiez bien l’intention de rebelotter et vous avez été frustré par la rue.
Chapeau au peuple sénégalais: En imposant le recul à Sall, il nous prouve encore une fois que la tyrannie à la tête de nos États n’est pas une fatalité.
Autrement dit, chaque peuple a une marge de manœuvre dans la conduite de son destin.
Le président ne mérite quelque salut de triomphe. Son bégaiement inutile a coûté des vies. Il peut se féliciter de s’être évité un scénario kamikaze.
Je veux dire, insister et échouer au bout du compte face au peuple debout aurait signifié une vie de sérieux ennuis—probablement l’exil—après la présidence.
C’est l’instinct de préservation qui a prévalu chez Macky Sall, et non la raison qu’il refusait d’entendre.
Chapeau au peuple sénégalais. Merci pour la leçon renouvelée: quand on refuse, on dit non. L’on n’est victime que par résignation—le lot de tous ceux qui refusent tout en acquiesçant.