Dis donc, les anges ne sont pas des Terriens
Je relisais récemment le premier livre de Barack Obama, Les Rêves de Mon Père, traduit de l’Anglais Dreams From My Father. La rigueur prosaïque et le souci du menu détail dans la conduite du récit, c’est bien entendu du pur Obama.
Le livre est un régal pour le lecteur avide de ces phrases pétries de telle manière à transmettre, à dosage égal, une forte rythmique—à travers la cadence musicale des mots—et cet embouteillage de paysages, de personnes, et de problèmes qui saturent le lecteur et l’emprisonnent dans les dédales des paragraphes.
Il s’agit d’une écriture ergonomique—pour parler comme Idriss Aberkane. Elle témoigne qu’en la plume, l’homme tenait déjà une pleine vocation.
Ce qui m’a frappé du livre, c’était de constater que l’ouvrage était en fait une subtile feuille de route personnelle, un agenda qui laissait entrevoir d’avance ce à quoi aspirait le futur 44e président des États-Unis.
Les Rêves de Mon Père valide la thèse qui voudrait que les grands parcours soient assez rarement accidentels.
En me replongeant là-dans, le livre a rallumé l’admiration que je voue au personnage depuis qu’un certain Xavier Kreiss me le signala en 2004 via un article de presse, au lendemain de sa brillante prestation à la Convention Démocrate de cette année-là.
Mon sentiment bienveillant à l’égard d’Obama n’est pas forcément rationnel; comme nombre d’Africains, je lui en veux encore pour son rôle passif en Libye où sa démission avait laissé un boulevard à l’amateurisme du duo Sarkozy-Cameron. Son vice de leadership en Libye continue de coûter très cher à tous les pays du Sahel.
Évidemment, Obama aura toujours ses irréductibles détracteurs. Je défends le droit de ces derniers à le clouer au pilori pour les ratés de sa Présidence. Mais tout ce que l’on dirige contre lui n’est pas toujours légitime.
C’est le cas quand la critique devient l’expression d’un racisme à peine voilé, refusant à lui concéder ses mérites, ne serait-ce l’admission que c’est l’un des présidents les plus intelligents et charismatiques de l’histoire des Etats-Unis.
Son intelligence est assurément ce qui me tutoyait quand je parcourais Les Rêves de Mon Père. En y découvrant les jalons du grand destin qui sera le sien, je me suis rappelé ma promesse à moi de ne jamais avoir de réserve à célébrer les hommes de leur vivant.
Oui, il a gaffé au sujet de la Libye, et sur bien d’autres. Mais au-delà des considérations politiques, Obama reste—jusqu’à preuve du contraire—un bel exemple de réussite personnelle, un bon père de famille, un citoyen exemplaire.
C’est assez clair dans son livre: S’il l’avait voulu, il aurait trouvé, dans le hasard de son enfance désorientée, une belle excuse pour être un salaud. Au contraire, il s’avisa à temps et se détourna de la colère d’avoir grandi sans son papa afin de prendre consciemment son destin en main.
Mais ceux qui le détestent du fond de leurs tripes ne manqueront jamais de trouver le moyen de passer outre ce genre de détail. Rappelez-vous : Même quand il s’était agit d’abattre le cerveau des attentats du 11 Septembre, il s’en trouva pour s’indigner qu’il n’ait pas offert à Ben Laden une sépulture digne des convictions islamiques du fondateur d’al-Qaeda.
Non, nul n’est parfait sous le regard de la critique. Mais pour ma part, il y a un attrait dans l’imparfait. Il nous donne de quoi nous occuper. L’imparfait est l’espace du chantier perpétuel de l’homme, appelé à se surpasser encore et encore.